La diplomatie scientifique : un contrepoids discret mais puissant aux points de friction dans les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis
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Publié dans Research Money, 19 février 2025
Ted Hewitt est président du Conseil de recherches en sciences humaines.
Les premiers jours de toute nouvelle administration aux États-Unis, notre plus proche voisin et notre plus grand partenaire commercial, peuvent être marqués par l’incertitude. Les gouvernements et l’industrie tentent de prévoir les changements à venir et la meilleure façon de réagir pour protéger et promouvoir les intérêts de la population canadienne.
La transition la plus récente à la Maison-Blanche a toutefois été particulièrement intense et tendue, d’autant plus que les États-Unis ont imposé des droits de douane de 25 p. 100 sur l’acier et l’aluminium canadiens et menacent d’imposer des droits de douane importants sur tous les produits canadiens, ce qui risque de nuire sérieusement aux relations canado-américaines. Certes, en contrepartie, plusieurs ont souligné l’interdépendance cruciale des deux économies, nos liens d’amitié durables, nos valeurs communes et nos intérêts mondiaux.
Bien que beaucoup moins souvent citée, notre longue et fructueuse histoire de collaboration scientifique revêt une importance capitale pour notre avenir commun. Façonnée par des intérêts et des défis communs, cette histoire est un moteur essentiel de prospérité et de croissance mutuelles.
Par exemple, la contribution du Canadarm, le premier bras robotique canadien, au programme de la navette spatiale de la NASA au début des années 1980 a été le catalyseur d’une longue et féconde collaboration spatiale entre le Canada et les États-Unis. Des partenariats de longue date dans le développement de vaccins ont également été mis en avant pour répondre à la pandémie de COVID-19. En termes simples, les États-Unis sont le plus grand partenaire du Canada en matière de collaborations de recherche, tandis que notre pays se classe parmi les cinq premiers partenaires des États-Unis. La poursuite des collaborations permet de relever de grands défis tels que ceux associés aux changements climatiques, à la sécurité alimentaire, à la santé mondiale et à la durabilité, ainsi que d’exploiter le potentiel de l’intelligence artificielle et des sciences et technologies quantiques pour favoriser la croissance économique mutuelle. De plus, nous avons des pratiques résolument similaires en matière de recherche, qui sont axées sur la promotion de la science ouverte et l’élaboration de normes de sécurité qui protègent les écosystèmes de recherche contre les interférences et l’exploitation étrangères. Une telle approche intégrée est à la fois le résultat et le moteur continu du lien productif qui nous unit.
La collaboration dans le domaine des sciences humaines a joué un rôle particulièrement important dans l’étude des défis émergents, en soulevant des questions cruciales et en fournissant des données et des perspectives universelles sur le comportement humain au Canada et aux États-Unis. Compte tenu de leurs grandes similitudes, les deux pays peuvent ainsi mieux anticiper les moyens de relever collectivement les défis sociaux urgents et de répondre au changement dans un monde en évolution rapide. Il s’agit d’un élément essentiel de notre partenariat, qui est souligné par l’ampleur des projets de recherche communs soutenus par des fonds publics.
Entre 2013 et 2023, le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) a financé 2 100 projets de collaboration avec les États-Unis, pour un montant de près de 600 millions de dollars, ce qui représente plus de la moitié de nos subventions de recherche à vocation internationale et plus de 10 p. 100 de l’ensemble de nos subventions.
Des chercheuses et chercheurs du Canada et des États-Unis travaillent ensemble sur des sujets potentiellement conflictuels tels que la migration, la sécurité des frontières, la défense, la gouvernance, le commerce, les politiques économiques et l’environnement. Les résultats obtenus peuvent peut-être contribuer à trouver des solutions intégrées à ces questions complexes, en remplacement des approches fragmentaires et instinctives qui sont devenues trop courantes dans le contexte actuel où l’on cherche à faire la une des journaux.
Au-delà des liens étroits établis entre les chercheuses et chercheurs, le CRSH a récemment conclu des collaborations plus formelles avec des organismes de financement américains. Nous avons signé un protocole d’entente bilatéral de haut niveau avec la National Science Foundation (NSF) à la fin de 2023 pour renforcer la relation existante et faciliter la collaboration future, et avec la National Endowment for the Humanities (NEH) en juin 2024 pour faire progresser les études en sciences humaines et la recherche autochtone.
Le CRSH a également participé, avec la NSF et d’autres organismes, à de nombreuses initiatives spéciales visant à financer des collaborations internationales de recherche :
- Centres mondiaux : en 2024, appel de propositions sur des travaux de recherche orientés vers l’application pour résoudre des enjeux planétaires au moyen de la bioéconomie; en 2023, appel de propositions pour relever des défis mondiaux liés aux changements climatiques et aux énergies propres.
- Initiative internationale de recherche sur l’adaptation aux changements climatiques et l’atténuation de leurs effets du fonds Nouvelles frontières en recherche : initiative de 2023 soutenant la recherche interdisciplinaire et transsectorielle sur les réponses communautaires aux changements climatiques.
- Initiative de développement durable dans l’Arctique dirigée par NordForsk : initiative en cours qui aborde les défis et les possibilités de la région arctique.
- Plateforme transatlantique : collaboration internationale qui vise une meilleure sensibilisation au rôle que jouent les sciences sociales et humaines dans la résolution des défis du XXIe siècle. L’appel le plus récent, sur le thème de la démocratie, de la gouvernance et de la confiance, a été soutenu par 16 partenaires internationaux, dont le CRSH, la NSF et la NEH.
Ensemble, ces initiatives démontrent comment le leadership conjoint du Canada et des États-Unis en matière de recherche a contribué à répondre à la demande croissante de recherches collaboratives transfrontalières qui profitent aux populations et aux sociétés du monde entier. Compte tenu des menaces qui pèsent actuellement sur les relations diplomatiques, le moment est peut-être venu de mettre davantage à profit nos solides partenariats de recherche avec les États-Unis et les résultats précieux qui en découlent.
La recherche et la science offrent une base stable pour naviguer dans les eaux tumultueuses de la négociation bilatérale – une base moins politiquement sensible et plus coopérative, objective et fondée sur la confiance et le bénéfice mutuel.
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