Stratégies d’inclusion sociale, de résilience communautaire et de lutte contre l’itinérance dans le contexte de l’émergence de la société asociale
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Le projet
Bête noire pour tous les ordres de gouvernement, en particulier les administrations municipales, comme pour les organismes de soutien aux sans-abri, le syndrome du « pas dans ma cour » nuit à l’établissement et à la prestation des services et programmes de logement destinés aux personnes qui sont en situation d’itinérance ou de logement précaire ou vivent dans la pauvreté. Le « pas dans ma cour » est caractérisé par l’opposition aux services et infrastructures proposés ainsi qu’à leurs utilisatrices et utilisateurs. Les protestations qui se sont élevées contre les campements de fortune lors de la pandémie de COVID-19 sont un exemple de ce discours discriminatoire et des stratégies visant à chasser les personnes qui n’ont pas de toit ou sont logées de manière précaire. À l’inverse, le mouvement « oui, dans ma cour » voit l’investissement dans les projets de logement équitable d’un œil favorable et défend l’inclusion des groupes négligés dans la conception et l’aménagement des espaces publics.
La présente synthèse des connaissances répond à deux besoins. De un, elle effectue une recension de la littérature existante traitant du phénomène « pas dans ma cour », laquelle met en lumière les difficultés auxquelles se heurtent les collectivités qui tentent de venir en aide aux personnes en situation d’itinérance ou de logement précaire et évalue les solutions pratiques dont elles disposent pour combattre cette exclusion sociale. Elle se compose d’articles de sociologie, de criminologie et de santé publique soumis à comité de lecture, ainsi que de littérature grise tirée de rapports générés par les gouvernements et de la société civile du Canada et du reste de l’anglosphère. Et de deux, la synthèse relève les grandes lacunes de cette littérature et dresse un portrait complet des stratégies de lutte contre l’exclusion sociale et de promotion de la résilience communautaire.
Principales conclusions
- Les idées ancrées qui sous-tendent généralement la mentalité du « pas dans ma cour » sont 1) l’impression, chez les propriétaires fonciers, de préserver la valeur de leurs biens immobiliers; 2) la réticence ou le manque d’intérêt envers la diversification ou l’évolution de sa communauté (p. ex. : souci du caractère ou du cachet de l’endroit); et 3) la perception que les espaces destinés aux personnes démunies ou ayant connu l’itinérance font monter la criminalité.
- Les personnes qui adoptent cette rhétorique décrient souvent les installations et services sociaux qu’elles jugent « indésirables », soutenant que ceux-ci dégradent leur qualité de vie ou enfreignent leurs « droits de propriété », et tendent à appuyer le recours aux forces de l’ordre pour expulser les persona non grata de la place publique.
- Les gouvernements et politiciennes et politiciens alimentent eux aussi au phénomène quand elles et ils privilégient les points de vue de leur électorat qui vont dans le sens du « pas dans ma cour »; poursuivent une politique clivante qui réaffirme des pratiques nocives comme la criminalisation de la pauvreté et de l’itinérance; votent des règlements de zonage d’exclusion pour empêcher l’établissement et la prestation de services sociaux indispensables (refuges, logements de transition, services de réduction des méfaits); et cautionnent le démantèlement des campements de sans-abri.
- Il est possible d’instaurer des programmes qui jettent des ponts entre les gens domiciliés et non domiciliés et renforcent leur sentiment de communauté, d’appartenance et de résilience à travers l’apprentissage de l’empathie, la mutualisation des expériences et la connexion émotionnelle : jardins communautaires partagés, programmes de musique collaborative, etc.
- La littérature se fait muette sur le fait que de bien des manières, le « pas dans ma cour » est une manifestation du communautarisme des quartiers de classe moyenne à prédominance blanche. Il faut encore creuser la question des attitudes réfractaires – leur tendance systématique à perpétuer les inégalités dans la dynamique des pouvoirs à l’intersection du genre, de la race, de la classe sociale, et de la capacité ou du handicap ainsi qu’à faire écho à la doctrine de dépossession territoriale qui est au cœur du colonialisme.
- La recherche ne s’est pas suffisamment intéressée au rôle que peuvent jouer les municipalités pour bousculer la mentalité du « pas dans ma cour » et y substituer un discours du « oui, dans ma cour ». Les études subséquentes gagneraient à mettre au clair : 1) la manière dont les administrations municipales recueillent et évaluent les avis de la communauté; 2) les voix que l’on omet de faire entendre; et 3) la façon dont les instances soupèsent les perspectives de groupes aux intérêts concurrents sous l’angle de l’équité et à la lumière de l’obligation légale de voir au respect du droit au logement de de toutes et tous.
- Le bassin de littérature sur le thème du « pas dans ma cour » s’intéresse surtout aux contestations qui s’élèvent contre les installations ou services destinés aux personnes itinérantes. Il serait toutefois bon d’élargir la recherche à la myriade d’autres formes que peut prendre cette rhétorique d’exclusion – par exemple quand elle est opposée à des personnes, et pas seulement à des établissements ou programmes.
- Pour ce qui est de la littérature sur la résilience communautaire, elle porte principalement sur la préparation aux situations d’urgence et l’intervention lors des catastrophes naturelles. Peu d’études se penchent sur la manière dont les communautés font face à l’adversité en situation de crises chroniques, comme l’itinérance.
Conséquences relatives aux politiques
- Les municipalités, avec l’appui financier et programmatique des autres ordres de gouvernement, devraient cultiver un environnement communautaire inclusif; elles devraient notamment financer des programmes qui s’inscrivent dans la mouvance « oui, dans ma cour », ne pas souscrire ou faire écho à la rhétorique du « pas dans ma cour », et veiller au respect du droit au logement tel qu’enchâssé dans la Stratégie nationale sur le logement.
- Les personnes élues et les organismes de services sociaux devraient opposer au « pas dans ma cour » un cadre politique qui s’attaque de front aux problèmes d’itinérance et de pénurie de logements abordables. C’est en reconnaissant et en prenant en compte les réalités problématiques que l’État et la société civile pourront détailler leurs plans d’intervention et voir à ce que les projets de soutien aux sans-abri et d’aide au logement aillent de l’avant.
- Les instances, tant gouvernementales qu’organisationnelles, doivent écouter les gens qui parlent d’expérience vécue lorsqu’elles se prononcent sur les services et soutiens qui leur sont destinés. Elles contribueront ainsi à la résilience de leur collectivité, en plus de garantir que les politiques sont par nature équitables et intersectionnelles. Elles doivent aussi penser à toute la population, y compris aux personnes démunies, aux personnes sans domicile fixe et aux gens qui sont rarement entendus lors des phases de planification et de développement des projets communautaires.
Renseignements supplémentaires
Rapport intégral (en anglais)
Coordonnées de l’équipe de recherche
Marcus A. Sibley, chercheur principal et boursier postdoctoral, Wilfrid Laurier University : msibley@wlu.ca
Danielle Thompson, assistante de recherche, University of Waterloo : d37thompson@uwaterloo.ca
Natasha Martino, assistante de recherche, McMaster University : martinon@mcmaster.ca
Erin Dej, professeure adjointe, Wilfrid Laurier University : edej@wlu.ca
Samantha Henderson, coordonnatrice de projet, Wilfrid Laurier University : sahenderson@wlu.ca
Jason Webb, boursier postdoctoral, Wilfrid Laurier University : jawebb@wlu.ca
Carrie Sanders, professeure, Wilfrid Laurier University : csanders@wlu.ca
Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des des autrices et auteurs; elles ne sont pas celles du CRSH, d’Emploi et Développement social Canada ni du gouvernement du Canada.
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