Une enquête sociale multidimensionnelle sur le problème de la solitude
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Le projet
La pandémie de COVID-19 et ses restrictions sanitaires ont accéléré la prise de conscience du « problème de la solitude » dans la société contemporaine, et ont mis en évidence la nécessité de comprendre les grandes forces qui contribuent à ce problème ainsi que l’inégalité de son action sur différentes personnes. Dans le cadre de notre projet, nous entendons par « problème de la solitude » l’ensemble complexe de difficultés et de problématiques que posent les conditions et expériences contemporaines de l’isolement social et de la solitude.
Notre grand objectif est d’appliquer une optique sociologique au problème de la solitude, afin de l’approcher comme une question sociale complexe et multidimensionnelle qui marque notre époque.
Nous avons passé en revue deux formes de publications : les écrits savants en sciences sociales publiés entre janvier 2012 et novembre 2022, et la littérature grise publique actuelle produite par des organisations au service du public canadien.
Les objectifs étaient les suivants :
- Examiner comment la solitude est comprise en relation avec chacune de trois caractéristiques majeures des sociétés contemporaines : l’expansion et l’intensification de la médiation technologique, l’urbanisation, et l’individualisme néolibéral.
- Faire ressortir les tendances dans la recherche et relever les lacunes dans la littérature en sciences sociales pour ce qui est des trois caractéristiques; mettre en lumière les constats significatifs récents ainsi que les interventions contemporaines pour combattre la solitude; présenter un portrait et une interprétation critiques de la recherche tenant compte de la multiplicité des dimensions de la solitude.
- Reconnaître les implications pratiques et politiques et élaborer des recommandations pour orienter les politiques canadiennes en réponse aux différentes problématiques posées par la solitude.
La présente enquête sociale multidimensionnelle a le soin de prendre les expériences de solitude dans leur structure sociale et économique, dans leur contexte historique et culturel, et dans la multitude de leurs formes au sein de la société contemporaine.
Principales conclusions
- La solitude n’est pas une chose monolithique. Il en existe de multiples formes, allant de la sphère intime et relationnelle au domaine collectif plus large. C’est un phénomène variable et socialement complexe. Et si la solitude se définit principalement comme l’expérience subjective individuelle – d’un écart souffrant entre ses désirs et la réalité quant à la quantité ou la qualité de ses liens sociaux –, l’isolement social, lui, se définit principalement comme la quantité et la fréquence objectives des contacts sociaux.
- Avec le vieillissement de la population au Canada ainsi que la multiplication des personnes vivant seules, l’urbanisation croissante et l’omniprésence de la technologie comme mode d’échange et de communication, il pourrait sembler, du moins à première vue, que nous sommes sur la voie d’un avenir en solitaire. Cependant, il faut souligner que la solitude n’est en aucun cas la conséquence inévitable de ces changements démographiques et tendances sociales.
- L’environnement bâti entre en ligne de compte. Comme il façonne – au sens propre comme au figuré – les relations sociales au quotidien ainsi que l’expérience que l’on fait du milieu qui nous entoure, il se trouve à pouvoir autant intensifier qu’atténuer ou contrer l’isolement social et la solitude, et ce de manière tantôt évidente, tantôt subtile. Citons quelques exemples saillants dans la littérature : la forme et la disponibilité des espaces verts urbains; les types de logements; la qualité et l’accessibilité des espaces communs et publics dans le voisinage; les systèmes de mobilité urbaine.
- Les modes de socialisation qui passent par la technologie sont à double tranchant : ils ont le potentiel d’atténuer comme d’intensifier la solitude. On tend souvent à mettre l’accent (parfois sans recul critique) sur les possibilités qu’ils présentent dans la recherche sur les personnes âgées, tandis qu’on est davantage porté à mettre en lumière (et parfois à pathologiser) les utilisations problématiques et isolatrices dans la recherche qui porte sur les jeunes.
- Les interventions passant par les technologies de l’information et des communications (TIC) pour atténuer la solitude – particulièrement chez les personnes âgées vivant seules ou en foyer – ont suscité un intérêt considérable dans le milieu de la recherche, mais celui-ci rapporte des constats partagés et souvent peu concluants quant à leur efficacité ou leur attrait à court et à long terme.
- Les conditions socioéconomiques dominantes ainsi que les idéologies (en particulier le capitalisme néolibéral) et discours y afférents qui mettent l’accent sur l’individualisme et la « responsabilité personnelle » contribuent au problème de la solitude, brossant cette dernière comme une caractéristique endémique de la société moderne tardive.
- Les inégalités sociales et les expériences de marginalisation contribuent à la solitude de manières diverses et complexes. Il est nécessaire de poursuivre la recherche afin d’examiner de manière systématique comment les différences sociales, les expériences d’exclusion et le croisement des systèmes d’oppression au Canada jouent sur la vulnérabilité tant à la solitude qu’à l’isolement social.
Conséquences relatives aux politiques
- En ce qui concerne les trois caractéristiques de la société contemporaine auxquelles nous nous intéressions – soit l’urbanisation, la médiation technologique et l’individualisme –, il ressort de nos travaux que peu d’études ont été menées sur ces sujets au Canada en lien avec la solitude. Il faudrait donc pousser la recherche au Canada en vue d’étayer des politiques efficaces pour l’avenir.
- La planification, la conception et l’élaboration de politiques en lien avec l’infrastructure publique et l’environnement bâti devraient contribuer de manière proactive à créer des espaces, des services et des initiatives susceptibles de favoriser l’appartenance et de combattre l’isolement en toute saison. Pour ce faire, nous recommandons l’élaboration et la mise en place d’un outil de planification, par exemple un « audit » de la solitude.
- Pour ce qui est d’atténuer la solitude et de favoriser la création de véritables liens sociaux, particulièrement en contexte institutionnel, les TIC ne sont qu’un outil parmi tant d’autres et non une panacée. Les interventions technologiques doivent être effectuées avec un certain tact quant au contexte social et à leur adéquation culturelle, et ne sauraient se substituer à de bons programmes et au financement qui visent à améliorer tangiblement l’inclusion sociale, surtout chez les populations vulnérables.
- Le problème de la solitude ne peut être dissocié de l’éternelle question, qui se pose ici au Canada comme ailleurs, de la création de conditions propices à l’épanouissement de l’être humain et à sa pleine participation à la société.
Renseignements supplémentaires
Coordonnées de l’équipe de recherche
Tara Milbrandt, professeure agrégée de sociologie, University of Alberta – Faculté Augustana : tara.milbrandt@ualberta.ca
Ondine Park, professeure adjointe de sociologie, University of British Columbia – campus d’Okanagan : ondine.park@ubc.ca
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