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Militer pour la paix – La contribution des femmes aux négociations et à une paix durable

Date de publication : 2024-03-07 11:45:00 | Date de modification : 2024-03-07 11:45:00

Marie Louise Baricako, présidente d’Inamahoro (deuxième à partir de la droite), participant à un atelier sur le rôle de médiation des femmes dans les processus de paix, qui s’est tenu en octobre 2020 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, sous le parrainage de l’Union africaine et du programme CRÉA-PAIX (Communautés Régionales pour l’Autonomisation et la Paix) chapeauté par l’UNESCO.

Photo : avec l’aimable autorisation de Miriam Anderson

Depuis toujours, dans les pourparlers pour mettre fin aux guerres et aux conflits armés, les négociations se font majoritairement entre hommes. Cependant, la participation des femmes à ces processus est bénéfique à plusieurs égards, de l’obtention d’une paix plus durable à une meilleure représentation de celles-ci en politique après le conflit. Or, la conclusion d’un accord ne garantit en rien la cessation permanente des hostilités, et lorsque la situation s’embrase de nouveau, les mêmes femmes qui ont aidé à bâtir la paix peuvent se retrouver dans de nouveaux rôles. Miriam Anderson, professeure agrégée de politique mondiale à la Toronto Metropolitan Universty (en anglais) et chercheuse invitée au Centre for Women, Peace and Security de la London School of Economics and Political Science (en anglais), travaille avec un groupe de femmes d’Afrique de l’Est qui ont connu un tel parcours, son but étant de découvrir en quoi les réseaux qu’elles créent les appuient personnellement et dans leur combat pour la paix.

« En écartant les femmes des négociations, on ignore le point de vue et les intérêts de la moitié de la population, fait remarquer Mme Anderson. Et c’est cette moitié qui est touchée de manière disproportionnée par la violence sexuelle, les déplacements forcés et les autres conséquences des conflits armés. Ce qu’elles ont à dire est donc d’une importance vitale. »

La paix selon les femmes : bien plus que faire taire les armes

Dans le cadre de ses recherches de doctorat, Mme Anderson s’est penchée sur le rôle joué par les femmes dans les négociations de l’accord de paix conclu au Burundi en 2000, après sept ans de guerre civile. Cette entente a mené à l’adoption d’un seuil de 30 p. 100 de représentation des femmes au parlement, un objectif dépassé lors des élections qui ont suivi le conflit. Les femmes occupent actuellement 38 p. 100 des sièges de la chambre basse, une hausse considérable par rapport aux quelque 12 p. 100 d’avant la guerre.

Ces avancées ne s’observent pas qu’au Burundi. En effet, en Colombie, au Guatemala, en Irlande du Nord et au Rwanda, entre autres exemples, la participation des femmes aux pourparlers de paix a permis de faire progresser leurs droits. Selon Mme Anderson, ces bonds en avant s’expliquent en partie par le fait que les femmes occupent généralement un plus large éventail de fonctions dans la société civile, ce qui leur permet de représenter les points de vue d’un grand pan de la population. Elles ont aussi une conception plus globale de la paix et des conditions qui devraient prévaloir dans une société en paix après la signature d’un traité.

Rencontre organisée par Inamahoro à Kigali, au Rwanda, le 8 mars 2020 afin de souligner la Journée internationale des femmes. Le thème en était : « Je suis de la Génération Égalité : Levez-vous pour les droits des femmes. »

Photo : avec l’aimable autorisation de Miriam Anderson

« La conception féministe de la paix ne se résume pas à faire taire les armes, affirme-t-elle. Pour ces femmes, vivre en paix, c’est se sentir en sécurité à la maison comme sur le chemin de l’école avec leurs enfants, avoir de quoi se nourrir et aussi occuper un emploi. »

Militantes en exil

Cette contribution des femmes à la paix au Burundi en 2000 n’a pas empêché la situation de se détériorer par la suite, le gouvernement adoptant une posture de plus en plus autoritaire. Les manifestations de 2015, menées en bonne partie par des femmes – dont certaines qui ont milité pour la paix durant la guerre et qui depuis étaient devenues députées ou sénatrices –, ont donné lieu à une riposte violente. Ainsi, ces femmes et des milliers d’autres citoyennes et citoyens ont dû fuir le pays, beaucoup ayant cherché asile au Rwanda voisin.

Étant donné les relations nouées avec ces femmes durant ses recherches de doctorat, Mme Anderson s’est intéressée à la suite des choses. Bénéficiaire d’une subvention de développement Savoir du CRSH, elle travaille maintenant avec le Mouvement Inamahoro – le groupe formé par ces femmes – afin d’en savoir plus sur leur approche alors qu’elles poursuivent leur activisme de l’extérieur du pays.

« Qu’arrive-t-il à une organisation composée de femmes vouées à la paix lorsqu’il n’y a pas de conflit armé ou de négociation, alors qu’elles continuent de se considérer comme des artisanes de la paix? », s’interroge Mme Anderson.

Affiche : « La paix vous concerne tous. Elle se bâtit au marché comme à votre travail. Nous devons tous agir pour la paix, sans quoi jamais elle ne surviendra. » – Marie Louise Baricako

Photo : avec l’aimable autorisation de Miriam Anderson

Pour répondre à cette question, elle s’est entretenue avec les membres du groupe, d’abord en personne au Rwanda, puis au moyen d’appels vidéo après l’arrivée de la COVID-19. Elle les a interrogées sur les raisons de se joindre à Inamahoro, les rôles qu’elles jouent dans l’organisme, leur conception de la paix et la tangente humanitaire qu’ont pris leurs efforts au cours de la pandémie. Désireuse d’adopter une approche participative, Mme Anderson a aussi étudié des questions d’intérêt pour la direction d’Inamahoro et a notamment demandé aux membres leur opinion sur les objectifs et l’orientation de l’organisme.

Elle a pu constater que même si l’engagement pour la cause est déterminant pour la plupart de ces femmes, elles sont aussi nombreuses à se joindre au mouvement afin de créer des liens sociaux et amicaux et de contrer le sentiment d’isolement.

Lever le voile sur le rôle des activistes oubliées

Les grands conflits géopolitiques et les personnes déplacées qui en sont victimes attirent l’attention et la sympathie du monde entier, mais selon Mme Anderson, il ne faut pas oublier que les combats à moins grande échelle qui ne font pas la une, comme celui survenu au Burundi, peuvent aussi produire leur lot de personnes réfugiées qui ont besoin d’aide. Elle espère que ses recherches, qui mettent en valeur le travail d’activistes de terrain dans des zones sans conflit armé, inciteront notre gouvernement et les organisations internationales telles que les Nations Unies à reconnaître l’importance d’organismes comme Inamahoro et à leur accorder des ressources pour les soutenir.

« Le Burundi est un petit pays, et étant donné qu’il n’est pas en guerre, on a tendance à l’oublier. La situation politique a toutefois amené plus de 50 000 personnes à se réfugier dans le camp de Mahama, au Rwanda, pour ne citer que celui-là. Nous pourrions en faire beaucoup plus pour aider ces gens. »


Vous voulez en savoir plus?

Pour découvrir les travaux de Miriam Anderson sur les militantes pour la paix, lisez son article From Peace Talks to Pandemics: The Continuum of Feminist Peace Activism (en anglais). Vous pouvez aussi la suivre sur X and Bluesky Social.

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