De: Conseil de recherches en sciences humaines
Date de publication : 2024-11-08 12:30:00 | Date de modification : 2024-11-08 12:30:00
Une personne contemple un lac avec des roches.
Photo : luza studios
L’eau est un élément essentiel à la vie. Au Canada, bien que nous ayons la chance d’avoir des sources d’eau en abondance, beaucoup sont de plus en plus menacées en raison de problèmes persistants comme la pollution et les changements climatiques. Julia Baird, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les dimensions humaines des ressources hydriques et de la résilience de l’eau à la Brock University, étudie les mécanismes décisionnels des personnes et des organisations en matière de gestion de l’eau. Son but : découvrir des clés qui aideront à ce que les décisions touchant les systèmes hydriques soient bénéfiques pour les générations futures et les écosystèmes.
« Nos décisions ont des répercussions sur les systèmes hydriques, et ce qui se passe dans ces systèmes a un effet sur nous, explique-t-elle. Pour moi, la grande question est de savoir comment encourager les gens à faire des choix qui favorisent la durabilité sur le plan hydrique, aujourd’hui et pour l’avenir. »
Il y a un large consensus autour de l’importance de protéger les ressources en eau, bien qu’on ne s’entende pas toujours sur la façon de s’y prendre. Les stratégies de protection habituelles ciblent des problèmes simples, par exemple la pollution provenant d’une source identifiable. Ainsi, quand la cause d’un enjeu est clairement connue, la voie à suivre pour y répondre va souvent de soi.
Cependant, l’état actuel des connaissances sur les enjeux entourant l’eau laisse voir une réalité plus complexe. On reconnaît que tous les systèmes sont interconnectés, et qu’un problème est rarement attribuable à une seule cause. Qui plus est, toute décision agit sur différentes parties de l’ensemble et a potentiellement des conséquences très diverses. Par exemple, les inondations peuvent être dues à un éventail de facteurs comme le régime météorologique, l’âge des infrastructures et les choix en matière d’utilisation du sol, et entraîner des inconvénients mineurs ou des effets dévastateurs selon l’endroit où l’on se trouve.
Voilà pourquoi Mme Baird travaille sur la résilience hydrique, soit la capacité d’un système hydrique à résister aux changements, à s’adapter au besoin ou à se transformer en un autre système qui continuera à soutenir le bien-être. Les approches de gestion de l’eau axées sur la résilience sont plus en mesure d’offrir une réponse à des changements systémiques qui peuvent être imprévisibles, tels que la hausse du nombre de phénomènes météorologiques violents.
« La résilience consiste en partie à résister aux changements, mais considérant les perturbations observées actuellement et auxquelles on s’attend dans un avenir proche, l’adaptation et la transformation sont des aspects encore plus importants », affirme Mme Baird.
Julia Baird et des collègues ont participé à une table ronde lors de la conférence PECS-3: Pathways to Sustainability, qui s’est tenue à Montréal en août 2024.
Photo : Jen Holzer
Ayant grandi sur une ferme, Mme Baird est depuis toujours sensible à l’étroite relation qui unit les humains et le monde naturel. Toutefois, au cours de ses études universitaires en science des sols, elle s’est rendu compte que, malgré cette relation, on observe souvent un écart entre les recommandations de la science et les actions sur le terrain.
« En faisant toutes ces recherches sur les densités de semis, je me suis demandé pourquoi ces valeurs n’étaient pas utilisées partout. Pourquoi, alors que les données scientifiques sont sans équivoque, est-ce insuffisant pour que les gens adoptent les mesures recommandées? »
Cette question l’a amenée à se tourner vers les sciences sociales pour pouvoir étudier la complexité des processus décisionnels, qu’ils soient individuels ou concernent plusieurs personnes. Mme Baird s’est particulièrement intéressée aux décisions en lien avec la durabilité et, ultimement, la résilience, un concept qui cadrait tout à fait avec sa compréhension des défis entourant la durabilité.
Le processus de réflexion et de décision des personnes en lien avec la résilience hydrique est un des grands sujets qui occupent Mme Baird et son équipe. Leur travail a consisté entre autres à concevoir une échelle mesurant l’appui aux principes de la résilience hydrique qui leur permettrait d’étudier objectivement les facteurs motivant cet appui. Cette échelle a depuis été rendue publique afin que d’autres chercheuses et chercheurs l’utilisent dans leurs travaux.
Au moyen d’un sondage mené au Canada et aux États-Unis, l’équipe de Mme Baird a découvert que l’empathie était le meilleur prédicteur d’une opinion positive à l’égard de la résilience hydrique, notamment en ce qui concerne le soutien à des stratégies de gouvernance reposant sur la résilience. Un sondage plus vaste, englobant cette fois l’Australie, l’Afrique du Sud et le Royaume-Uni, en plus du Canada et des États-Unis, a montré que le lien entre l’appui à la résilience et l’empathie n’est pas propre à la culture nord-américaine, et qu’on pourrait envisager de l’appliquer à plus grande échelle.
Pour Mme Baird, il s’agit d’une bonne nouvelle, car il existe un imposant corpus de travaux démontrant qu’il est possible de développer l’empathie. Par ailleurs, étant donné qu’on a aussi observé une relation entre l’empathie et plusieurs autres enjeux et opinions, le fait de la renforcer afin de promouvoir de meilleures décisions sur les systèmes hydriques pourrait également aider à résoudre divers problèmes.
« L’empathie n’est peut-être pas la réponse à tout, mais fait partie des solutions, plaide-t-elle. Elle peut changer notre regard sur le monde. Ce qui est bien avec l’empathie, c’est qu’elle nous met dans un état d’esprit positif, plutôt que de toujours nous faire voir les problèmes et les obstacles. »
S’appuyant sur leurs résultats, Mme Baird et son équipe ont fait une méta-analyse de la littérature au sujet des interventions axées sur l’empathie. Cette analyse, qui est présentement en évaluation, aidera à cerner les interventions les plus efficaces que l’on pourrait employer pour renforcer l’empathie précisément en lien avec la résilience hydrique. Ce qui en sortira pourrait donner lieu à une nouvelle stratégie prometteuse pour rendre l’avenir plus durable pour toutes et tous.
Visitez les sites du Water Resilience Lab de la Brock University (en anglais) et du projet Empathy for Sustainability (en anglais).