De: Conseil de recherches en sciences humaines
Date de publication : | Date de modification : 2008-02-25 13:15:35
Depuis 1998, le Viagra fait des merveilles pour remonter le moral des hommes d’âge moyen un peu partout sur la planète. Malheureusement, selon la chercheuse Barbara Marshall, la petite pilule bleue a peut-être aussi créé des attentes irréalistes en faisant miroiter l’illusion d’une sexualité éternellement florissante.
« Le Viagra a changé notre conception de la sexualité et notre façon d’en parler, déclare Mme Marshall, professeure de sociologie à la Trent University. Il s’agit moins maintenant d’un sujet tabou mais plus d’une question de santé publique. »
Et, si on en juge par les 16 millions d’ordonnances prescrites à l’échelle de la planète au cours des six dernières années, la stratégie de mise en marché du Viagra a été des plus fructueuses. Elle a même donné naissance à un tout nouveau domaine de recherche médicale.
« Auparavant, la santé sexuelle était une question de reproduction et d’absence de maladie transmise sexuellement, explique Mme Marshall. De nos jours, ce concept rime davantage avec performance sexuelle et désir qui, pour une population âgée grandissante, deviennent aussi synonymes du bien vieillir. »
Bien que neuf comprimés de Viagra soient vendus à chaque seconde, Mme Marshall note que seulement la moitié de toutes les ordonnances sont renouvelées. Mais, pourquoi?
« Ces nouveaux médicaments prédisposent tout homme éprouvant des problèmes érectiles à avoir des rapports sexuels, explique-t-elle. Toutefois, ils n’agissent pas sur la libido. »
De plus, comme le révèle une étude du Massachusetts sur le vieillissement masculin, publiée en 1994, même si les hommes dans la soixantaine ont des rapports sexuels moins fréquents, ils s’estiment tout aussi satisfaits de leur vie sexuelle que les hommes dans la quarantaine.
« Cela démontre que la sexualité n’est pas purement mécanique, affirme Mme Marshall. D’ailleurs, c’est aux lois du désir, et moins aux aspects mécaniques de la sexualité, que s’intéresse présentement le marché pharmaceutique. »
En effet, aujourd’hui on prescrit couramment des timbres de testostérone aux hommes souffrant, en raison de leur âge, d’un manque de libido. On est également en train de mettre au point de tels timbres à l’intention des femmes ménopausées qui connaissent une baisse de désir sexuel.
Mais doit-on vraiment attribuer les changements en matière d’activité sexuelle qui surviennent au cours de notre vie à un dysfonctionnement de notre corps?
Selon Mme Marshall, l’évolution de notre comportement sexuel résulte du caractère changeant de notre contexte de vie. Elle fait partie du processus naturel de vieillissement. Bien qu’elle reconnaisse que certaines personnes souffrent de réels problèmes d’ordre physique et émotionnel liés à la sexualité, Mme Marshall espère que sa recherche encouragera les gens à remettre en question les nouvelles normes sexuelles imposées par la recherche médicale axée sur le marché.
La recherche de Barbara Marshall portant sur la médicalisation de la sexualité est financée par le Programme des subventions ordinaires de recherche du CRSH.