De: Conseil de recherches en sciences humaines
Date de publication : | Date de modification : 2008-02-25 13:13:23
Que ce soit au sein de l’armée américaine ou des Tigres tamouls, des femmes prennent les armes afin de défendre leur pays, leur famille et leurs idéaux. Dorit Naaman étudie les images que donnent les médias des femmes soldats, combattantes pour la liberté et terroristes afin de révéler nos convictions profondes sur les femmes et la guerre.
« Bien qu’elles ne soient pas toujours acceptables, la guerre et les agressions, voire la torture, semblent compréhensibles lorsqu’elles sont l’oeuvre des hommes, déclare la professeure d’études cinématographiques de la Queen’s University. Or, nous semblons incapables d’accepter le même type de violence lorsqu’elle est commise par des femmes, et la couverture médiatique reflète cette situation. »
Pour disséquer le tabou de la femme combattante et favoriser une meilleure compréhension du Moyen-Orient, Dorit Naaman, israélienne d’origine, et Nahla Abdo, sa partenaire d’origine palestinienne, étudient les soldates et les femmes kamikazes dans leurs cultures respectives.
Par exemple, avant l’indépendance d’Israël, en 1948, les Israéliennes participaient aux combats, déclare Naaman. Ce fait est souvent cité en exemple pour montrer l'Israël comme un précurseur de l’égalité entre les sexes. « Or, le rôle des femmes dans les combats était totalement utilitaire : on avait désespérément besoin de combattants. Une fois l’État d’Israël créé, les femmes membres de l’armée ont été réaffectées à des postes de commis et d’infirmière », indique-t-elle.
Ce n’est que récemment, et à contrecoeur, qu’Israël a permis aux femmes de retourner au combat, ce qui n’empêche pas les médias et l’industrie cinématographique de continuer de propager le mythe de l'égalité des femmes et de l'héroïne de guerre.
L’image des combattantes palestiniennes est tout aussi éloignée de la réalité. Dans les années 1960 et 1970, les combattantes étaient vues comme des femmes fatales à la fois belles et dangereuses.
En 2002, lorsque la première femme kamikaze a fait sa marque, les médias occidentaux ont fourni des explications psychologiques des raisons pour lesquelles une femme pouvait commettre un acte d’une telle violence.
« Les médias nord-américains n’ont aucun problème à trouver des motifs politiques ou religieux pour expliquer la violence masculine, affirme Naaman. Or, toutes les Palestiniennes kamikazes ont fait l’objet d’articles établissant un lien entre leur geste et leurs “échecs” personnels, par exemple un divorce ou l’infertilité. »
Dans le monde islamique, où la religion interdit le suicide, les médias ont adopté une autre approche. « En général, les femmes furent saluées comme des héroïnes, et leur geste considéré comme une mesure désespérée prise dans une situation désespérée, précise Naaman. Souvent, les femmes sont présentées comme des martyres qu’une mort héroïque rend égales aux hommes. »
Mais cette image ne correspond pas nécessairement à la réalité vécue par ces femmes, ajoute Naaman, reprenant les paroles de Leila Khaled, Palestinienne combattant pour la liberté dans les années 1970 : « Nous sommes tous égaux dans la mort… Je préférerais voir les femmes égales aux hommes de leur vivant. »
Comme prochaine étape, Naaman et Abdo comptent se rendre au Moyen-Orient pour interviewer des combattantes et pour comparer l’expérience vécue par ces femmes à l’image que les médias renvoient d’elles.
La recherche de Dorit Naaman et de Nahla Abdo sur l’image des combattantes est financée par le Programme des subventions ordinaires de recherche du CRSH.