De: Conseil de recherches en sciences humaines
Date de publication : | Date de modification : 2008-02-25 13:09:45
Dans les régions du globe où les conflits sont imprégnés d’histoire ethnique et religieuse, les « commissions de la vérité » pourraient bien être le seul moyen de parvenir à une paix durable. Israël et la Palestine sauront-ils en tirer profit?
« L’affrontement entre ces deux pays vient surtout du fait que chacun d’eux refuse de reconnaître l’histoire et l’humanité de l’autre afin de revendiquer un territoire au nom d’un droit divin », commente Heribert Adam, sociologue à la Simon Fraser University et auteur de Seeking Mandela: Peacemaking Between Israelis and Palestinians. « Chaque camp a sa propre version des faits – qui est l’agresseur et qui est l’agressé –, poursuit-il. Pour que la paix soit possible, ces points de vue opposés doivent converger vers UNE ‘‘vérité’’. »
Les commissions de la vérité permettent à la fois aux victimes et aux agresseurs de raconter leur histoire à un comité de concitoyens. N’étant pas des tribunaux, ces commissions ne peuvent pas légalement venir en aide aux victimes ou punir les coupables. Par contre, elles peuvent aider des pays et des collectivités à guérir leurs vieilles blessures en révélant des vérités cachées et contestées. « Parfois, un pays doit pardonner des crimes commis par le passé pour pouvoir avancer, ajoute M. Adam. Cependant, nier qu’ils ont eu lieu ne fait que créer plus de rancœur. »
Les premières réunions des commissions de la vérité ont eu lieu en Amérique latine vers la fin des années 80 pour lever le voile sur ce qui était arrivé aux personnes disparues sous des régimes militaires. Même si les audiences se sont déroulées en secret, elles ont contribué à consoler des familles en clarifiant ce qui était arrivé à leurs proches et en admettant qu’il y avait eu abus des droits de la personne.
Plus tard, la South African Truth and Reconciliation Commission a tenu des audiences publiques pour plus de 20 000 victimes de l’apartheid. En échange d’une amnistie, certains auteurs d’actes violents, dont des représentants de la police et du gouvernement, ont indiqué les endroits où avaient été enterrés des corps et ont raconté comment des victimes avaient été torturées. « À partir de ce moment, personne ne pouvait plus nier qu’il y avait eu violation des droits de la personne, explique le sociologue. Cependant, même si les exécutants ont été démasqués, bon nombre des architectes de l’apartheid n’ont jamais admis leurs torts. »
Selon Heribert Adam, si Israël et la Palestine entendent utiliser les commissions de la vérité pour arriver à une réconciliation, il faut qu’ils soient particulièrement attentifs aux leçons tirées par d’autres pays. Les citoyens – plus que les gouvernements – doivent diriger ce processus, et tout le monde doit être prêt à remettre en question les mythes reçus et le discours politique qui transforment ceux d’en face en véritables monstres.
« La résolution du conflit qui oppose Israéliens et Palestiniens exige que chacun examine les abus qu’il a commis plutôt que de se plaindre qu’il est une victime, conclut le chercheur. Cette façon de rechercher la vérité est cruciale pour l’obtention de la paix. »
La recherche d’Heribert Adam sur les commissions de la vérité et les démocraties naissantes est financée par le Programme des subventions ordinaires de recherche du CRSH.