De: Conseil de recherches en sciences humaines
Date de publication : | Date de modification : 2008-02-25 13:09:05
Selon Haideh Moghissi, ce n’est pas en renforçant ses mesures de sécurité que le Canada pourra éviter des actes terroristes commis par des citoyens, comme ça a été le cas dans le métro de Londres en juillet dernier. C’est plutôt en aidant ses immigrants à se sentir chez eux et en les incitant à participer pleinement à la vie canadienne qu’il y parviendra.
« Quand les médias ont annoncé que les kamikazes de Londres étaient des citoyens britanniques, ça a choqué beaucoup de gens, remarque la professeure de l’Université York. Pour ma part, cette annonce n’a fait que confirmer ce que je pensais : le terrorisme dit “islamique” n’est pas motivé par la religion, mais par la frustration qui s’installe quand des personnes – déjà furieuses contre la guerre au Moyen-Orient et la politique de cette région – se sentent rejetées et marginalisées dans leur propre pays. »
De concert avec une équipe de chercheurs internationaux, Mme Moghissi étudie les communautés musulmanes du Canada et de plusieurs autres pays afin de comprendre ce qui pousse certains de leurs membres à soutenir des interprétations plus conservatrices – et souvent plus violentes – de leur religion.
« Nous avons entrepris ce projet parce que nous sentions que ce qui était en train de se produire était assez différent de l’expérience typique des immigrants », explique la chercheure, qui a quitté l’Iran en 1984 pour s’installer au Canada. « Entre autres, nous voyions des jeunes adopter des positions religieuses radicales, alors que leurs parents gardaient un esprit ouvert et restaient plus modérés. Depuis les événements du 11 septembre, il est devenu clair pour moi que cet attrait pour une religion radicale relève plus de la politique que de la religion elle-même. »
Appuyée par des données de Statistique Canada, la recherche de Mme Moghissi a permis de mettre au jour de dures réalités de la vie des musulmans canadiens. Par exemple, même si les communautés musulmanes ont un niveau de scolarité postsecondaire deux fois plus élevé que la moyenne canadienne, elles connaissent un taux de chômage deux fois plus élevé. De plus, le revenu moyen des musulmans canadiens est bien en dessous de la norme.
« Des inégalités comme celle-là font en sorte que les individus – même ceux nés et élevés au Canada – n’arrivent pas à développer un réel sentiment d’appartenance, explique la chercheure. Le message d’égalité véhiculé par l’islam – sans distinction de statut social – peut alors devenir un réel refuge pour une jeunesse désenchantée. Malheureusement, il peut aussi la rendre vulnérable aux manipulations de chefs religieux radicaux, qui se servent de la religion musulmane pour atteindre leurs propres objectifs politiques. »
La solution idéale, selon Mme Moghissi, consisterait à élaborer de meilleurs programmes et politiques visant à aider les immigrants musulmans à s’intégrer à la vie canadienne grâce à des emplois enrichissants rémunérés convenablement. « S’attaquer à ces inégalités évidentes, souligne-t-elle, permettrait de contrer l’influence des groupes islamiques radicaux au Canada et, en bout de ligne, d’empêcher que des actes de violence, comme les attentats à la bombe de Londres, puissent se produire sur son territoire. »
La recherche de Haideh Moghissi sur les communautés musulmanes est financée par le programme des Grands travaux de recherche concertée du CRSH.